150
HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
mais encore de modestes paroisses, perdues au fond des provinces, recevaient des dons de cette nature. Les quatorze pièces consacrées à la vie et aux miracles de saint Anatoile, qui décoraient autrefois l'église de Salins placée sous l'invocation de ce saint, méritent une mention particulière. La tenture était encore complète en 1789. Comment se fait-il qu'il n'en existât plus, il y a quelques années, que quatre panneaux? L'un d'eux est devenu, gràce à la libéralité de M. Spitzer, la propriété du musée des Gobelins. Consacré à la représentation d'une scène contemporaine, ce tableau nous montre la promenade de la châsse de saint Anatoile pour obtenir la levée du siège de la ville de Dôle, investie par Louis XI. Une in­scription, relevée autrefois sur une pièce qui n'existe plus, ajou­tait à l'intérêt de cette représentation celui d'une date précise. En effet, d'après la légende inscrite sur la dernière pièce, repré­sentant les exploits des habitants de Salins à la journée de Dour­non (1477), la Légende de saint Anatoile avait été commandée à Jean Sauvage, tapissier de Bruges, et terminée en l'année 1501. C'est donc une des rares séries offrant, avec une date,, une origine certaine.
Une scène analogue à celle qui se voit sur l'histoire de saint Anatoile donne un prix particulier à la tapisserie de Dijon, repro­duite dans le grand ouvrage d'Achille Jubinal. En 1513, les Suisses étaient venus mettre le siège devant la ville de Dijon au nombre de vingt mille; la Trémoille n'avait que quelques milliers de soldats découragés à leur opposer. Le danger était pressant ; ces étrangers, affamés de butin et de pillage, n'eussent accordé aucun quartier aux vaincus. On négocia avec eux, on acheta leur retraite. Ce dénoue­ment peu glorieux n'empêcha pas la ville de commander une tapis­serie destinée à consacrer le souvenir de sa délivrance. Tandis que les bourgeois promènent en grande pompe les reliques de leurs églises autour des murailles, tandis que le commandant de la ville, tout bardé de fer, est agenouillé devant la statue de la Vierge, suivi de son cheval qui l'attend à la porte, on voit au premier plan les assaillants faire leurs préparatifs de départ. Déjà, dans le lointain, de longues files de soldats, avec leurs canons et leurs mulets chargés de butin, disparaissent derrière les plis de terrain. Deux élégantes colonnettes divisent la composition en trois parties ; nous donnons à la page précédente la reproduction de celle de droite. Les renseignements font défaut sur la date et l'origine de cette